DADVSI : à défaut de peer, nous avons le pire...

Alors que des cohortes d'étudiants martèlent en rythme le bitume sous les fenêtres de mon bureau pour protester contre le CPE, me voici contraint de me pencher sur le DADVSI (à prononcer comme vous le sentez). Autrement dit, le controversé projet de loi sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information.

Grâce à ça, j'ai appris aujourd'hui que je payais une taxe au nom d'un droit que l'on s'apprête à me retirer. J'ai appris que le concept d'échange de données sur Internet était compromis. Je me suis également laissé dire qu'un collège de médiateur allait prendre en main la destinée du Web français, en décidant par exemple si mes logiciels étaient légaux, ou combien de fois je vais avoir le droit d'effectuer un simple copier coller de ma musique ou de mes films légalement acquis.

Au final, c'était une journée plutôt intéressante puisque j'ai appris plein de trucs. Me coucherais-je moins con... ou moins libre ?

J'en ai retiré quelques enseignements, que je vais m'empresser de mettre en application. Puisque c'est comme ça, que vous n'êtes que de vils pirates uniquement motivés par le désir de me nuire en partageant mes oeuvres, les billets de ce blog seront bientôt verrouillés électroniquement contre la copie. Un voile opaque sur la page empêchera les captures d'écran, tandis qu'un script camouflera le contenu du code source pour éviter les pillages souterrains. Un autre script bloquera le clic droit et les options qu'il propose. Ce script ne fonctionnant que sous Internet Explorer, l'accès à cette page sera interdit à tous ceux qui utilisent un autre navigateur. Il vous faudra également vous acquitter d'une taxe, en sus du prix exorbitant que je vais estimer bon de vous imposer en échange du privilège de me lire. Autant le dire, vous allez douiller, mais au moins je ne serai plus spolié :)

Tiens ? mais au fait... peut-être qu'avec toutes ces mesures de protection, personne ne pourra ni ne voudra plus me lire ? Du coup, personne ne viendra plus m'écouter quand je haranguerai les foules, perché sur un tabouret au milieu de l'avenue de l'Opéra ? Hum. J'hésite, du coup.

(suit un article de synthèse sur les dernières décisions de l'Assemblée. Réjouissant...)

Triste nuit pour les partisans de la licence globale, de la dépénalisation des téléchargements et de la défense du droit à la copie privée, qui a vu le vote de l'amendement appelé par ses détracteurs "Vivendi Universal". Ce dernier interdit l'utilisation et la mise à disposition des logiciels d'échange de fichiers de type P2P (peer-to-peer, ou "de particulier à particulier").

Plus tôt dans la journée, les députés s'étaient déjà prononcés en faveur d'un amendement restreignant la copie privée d'œuvres cinématographiques à un nombre qui peut tout simplement être nul.

300 000 euros d'amende et trois ans d'emprisonnement

Amendement 150 : sera puni "de trois ans d'emprisonnement et de 300.000 euros d'amende le fait de mettre sciemment à la disposition du public ou de communiquer au public, sous quelque forme que ce soit, un logiciel manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d'oeuvres ou d'objets protégés."

Ce texte, qui stipule clairement l'interdiction des logiciels de type P2P, ne devrait toutefois pas s'appliquer aux "logiciels destinés au travail collaboratif, à la recherche ou à l'échange de fichiers ou d'objets non soumis à la rémunération du droit d'auteur", souligne le rapporteur, Christian Vanneste (UMP). En réalité, aucune définition concrète des logiciels condamnables n'a été vraiment donnée.

Cet amendement, copieusement vilipendé par les députés de l'opposition comme par les ligues de défense des internautes, revient, comme certains l'ont fait remarquer, à assimiler l'outil à l'usage qui en est fait, en oubliant que le P2P trouve de nombreuses applications légales et qu'il est d'ailleurs de plus en plus présent dans la façon dont le Web d'aujourd'hui est conçu (voir Skype, ou Windows Vista, qui devrait embarquer un client P2P).

Copie de DVD... oui, mais combien ?

Dans l'après-midi, les députés ont concrètement rendu possible l'interdiction totale de la copie de DVD, faisant une exception - là encore, largement fustigée par les opposants - au droit à la copie privée.

Concrètement, la gestion de la copie privée des DVD devrait revenir à un collège de médiateurs chargé, en accord avec les ayant droits, de déterminer le nombre de copie applicable à chaque support. Afin de ne pas perdre complètement le droit à la copie privée, un amendement prévoyait que le nombre de copies autorisées soit au moins égal à un. Cet amendement a été retiré par le rapporteur et le nombre de copie peut donc tout à fait être égal à zéro.

"La jurisprudence a acté le problème du DVD, nous en tirons les conséquences", a déclaré Christian Vanneste, faisant référence à une récente décision de la Cour de cassation. Rappelons toutefois que tous les consommateurs français s'acquittent, à chaque fois qu'ils achètent un média vierge (CD, DVD) ou un support de stockage (disque dur, clé USB, baladeur MP3) d'une taxe prélevée au nom du droit à la copie privée.

Le collège des médiateurs, dont le rôle exact reste à définir, devrait également prendre en charge l'épineuse question des mesures techniques de protection avalisées dans la semaine "pour garantir le bénéfice de l'exception pour copie privée". (Et de qui sera composé ce collège ? Peut-on compter sur son impartialité ?)

Sanctions contre le contournement des MTP

Mise à jour : 18h30. Les députés viennent de voter les sanctions qui viendront punir ceux qui tenteraient de contourner les mesures techniques de protection (MTP) destinées à verrouiller les œuvres contre la copie.

- Celui qui fournit des moyens de contourner des MTP s'expose à 6 mois d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende. - le hacker qui casse une MTP encourt 3 750 euros d'amende - le détenteur ou l'utilisateur de logiciel mis au point pour le contournement est passible d'une contravention de 750 euros.

Il ne reste plus aux députés qu'à ratifier le système de sanctions graduées s'appliquant aux internautes qui téléchargent ou mettent à disposition des œuvres. Il est prévu une amende de 38 euros pour simple téléchargement, et une contravention de 150 euros pour mise à disposition.

Nous v'là bien, comme on dit chez moi !

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